Luc Chatel se heurte aux questions très concrètes des lycéens

Publié le par Jeunes d'Avenir 76

C'est sa huitième rencontre inter-académique pour présenter la réforme du lycée. Aussi ce vendredi 23 octobre 2009, au lycée polyvalent Jean-Perrin à Marseille, le discours du ministre de l'éducation et porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, est-il bien rodé. Le leitmotiv est des plus consensuels – « Le nouveau lycée, c'est celui qui fait réussir chaque élève » – et l'homme fait l'unanimité sur ses talents d'orateur.

« Comme d'habitude une habileté de communication à laquelle je rends hommage », salue, un petit sourire aux lèvres, Françoise Deflosse, professeur de lettres et d'histoire géographie, à l'issue de la rencontre des enseignants avec le ministre. « Un homme brillant aux paroles de miel », lance, non moins ironiquement, le vice-président (PS) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Patrick Mennucci.

Et en tant que ministre de l'éducation ? Prudence. « Il y a les intentions et après l'application », émet le proviseur du lycée, Yvan Deydier, qui estime que « la concertation du printemps dernier a tout de même permis aux parents et élèves de faire remonter leurs idées à Paris. » Mélina Raveleau, une lycéenne de terminale S, qui a été de toutes les manifestations de l'hiver 2008, en serait presque séduite. « En juin dernier, nous avons fait une réunion de trois-quatre heures avec les élèves, les enseignants et des parents, raconte-elle. Presque tout ce dont on avait parlé, le ministre l'a repris ! »

Dans la salle une trentaine de lycéens, surtout issus des filières technologiques. Très terre à terre, ils rentrent tout de suite dans le concret. Les deux heures d'accompagnement personnalisé ne vont-elles pas alourdir un emploi du temps déjà très chargé ? « Nous allons les intégrer dans l'emploi du temps, répond le ministre. On est en train d'en discuter au niveau national. Ce ne sera pas moins d'enseignement mais mieux d'enseignement. » A l'automne 2008, la négociation s'était justement cassé les dents sur les revendications des représentants des différentes disciplines, tournant peu à peu aux comptes d'apothicaire.

A moyens constants

La rencontre avec les élèves a duré une heure.

« En quoi la réforme va-t-elle régler le problème des classes surchargées ? », demande un élève de terminale sciences et technologies industrielles (STI). A Jean-Perrin, certaines classes de seconde atteignent 35 élèves. Le ministre de l'éducation botte en touche : « La moyenne nationale est de 28 élèves par classe. » Luc Chatel l'a répété pendant toute l'heure d'échange, la réforme « se fera à moyens constants, avec un taux d'encadrement inchangé ». Le miracle devra résider dans ce « mieux d'enseignement » mis en avant par Luc Chatel. Sur ce point, Jean-Louis Bertocchi, professeur de philosophie, regrette « un flou certain ». « On ne voit pas très bien comment on peut faire mieux », s'interroge-t-il.

Comment, par exemple demande une élève, améliorer le niveau en langue, un des principaux objectifs de la réforme, avec seulement trois heures de cours d'anglais ? « Parce que quand on arrive en entreprise après le BTS et qu'on n'est pas capable de comprendre un dossier technique en anglais, les gens nous demandent mais qu'est-ce que vous avez appris à l'école ? », explique-t-elle. Luc Chatel promet la mise en place de groupes de niveau, l'usage des technologies, des cours d'enseignement général, par exemple d'histoire, en anglais, et des échanges avec des établissements étrangers « pour que tous les lycéens puissent être allés, au moins une fois avant le bac, dans un lycée étranger ».

Patrick Mennucci s'en étranglerait presque : « Est-ce que vous proposez que ce soient les régions qui financent ces stages à l'étranger, comme c'est déjà le cas ? » Quant aux lycéens ils rigolent doucement en songeant aux cours d'histoire version British. « Vu l'accent du prof, c'est pas gagné », pouffe, à la sortie, Michel Léger, en terminale sciences et technologies de laboratoire (STL). « Et imaginez si c'est un prof près de la retraite, il ne sera pas qualifié ! »

La création d'un tutorat pour aider chaque élève dans son orientation fait, elle, l'unanimité. « Les conseillers d'orientation psychologues ne sont pas au courant de tout, lâche Anaïs Oulibaut en BTS d'industrialisation des produits mécaniques. La mienne ne connaissait pas ma filière technologique, elle a dû me photocopier une brochure de l'Onisep ! » Mais les enseignants se demandent comment vont s'organiser les stages de complément de programme pour les lycéens souhaitant changer de filière en cours d'année.

Quant à la valorisation des engagements extrascolaires, comme la création d'une association, via un livret de compétences, Mélina Raveleau est sceptique : « Il ne faudrait pas que ça tourne à l'américaine où il faut absolument faire des activités extrascolaires pour avoir un bon dossier ! » Bref, résume la jeune fille, « c'est franchement pas mal, mais il faut voir l'application ».

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